Illusions de couleurs

        De nombreuses illusions se jouent de notre système visuel grâce aux couleurs qu'elles utilisent. Elles sont dues aux défauts de nos photorécepteurs, ou à une interprétation simplifiée mais erronée, plus rapide pour notre cerveau. Bien que certaines de ses illusions n'aient aucune explication à ce jour, la plupart d'entre elles sont dues à des phénomènes distincts :

A-La persistance rétinienne :

         A la Renaissance, Léonard de Vinci (1452-1519) affirme : « Si l'œil qui regarde l'étoile se tourne rapidement de la partie opposée, il lui semblera que cette étoile se compose en une ligne courbe enflammée. Et cela arrive parce que l'œil réserve, pendant un certain espace, la similitude de la chose qui brille et parce que cette impression de l'éclat de l'étoile persiste plus longtemps dans la pupille que n'a fait le temps de son mouvement. » En effet, il a été le premier à observer un phénomène qui ne sera démontré qu’en 1825 par un chimiste et physicien britannique, Michael Faraday : la persistance rétinienne.

        Lorsque nous observons un objet, une image se forme sur la rétine par l’intermédiaire du nerf optique, et y reste « imprimée » une fraction de secondes, entraînant ainsi une lenteur rétinienne : une nouvelle image peut se former seulement tous les 1/12ème de secondes. Le temps de la persistance d’une image sur la rétine est proportionnel au temps d’observation de cet objet : c’est-à-dire que plus notre regard est porté longtemps sur quelque chose, plus l’image persistera.

        Ce phénomène a des conséquences dans notre quotidien : quand un objet se déplace rapidement, des images successives, distinctes mais se ressemblant beaucoup, apparaissent sur la rétine et donnent l’impression de se fondre les unes dans les autres ; ceci entraîne un flou continu.

        De même, si une pièce sombre est éclairée par une vive lumière, et que celle-ci est éteinte brusquement, nous pouvons continuer à la voir illuminée un bref instant. En effet, après l’arrêt d’une stimulation lumineuse, les fibres nerveuses de l’œil continuent d’envoyer des signaux au cerveau pendant une fraction de secondes : on parle d’image eidétique (du grec eidos : la forme, l’image).

        Le cinéma repose sur le principe même de la persistance rétinienne. En effet en 1829, un belge nommé Joseph Plateau déduit du fait qu’une image persiste 1/12ème seconde sur la rétine, que si des images se succèdent à plus de 12 par seconde, une illusion de mouvement sera donnée. En effet, la rétine est constituée du pourpre rétinien, porté par les bâtonnets, et permettant de détecter la lumière la plus faible. Lorsque la lumière entre en contact avec le pourpre rétinien, elle y provoque des réactions chimiques qui le détruisent, et est à l’origine d’une rupture d’1/12ème seconde avant la reconstitution de ce pourpre rétinien. Cette rupture permet de pouvoir regarder des images qui se succèdent à un rythme de plus de 12 par secondes, en donnant l’illusion d’un mouvement sans interruption !

        En ce qui concerne les illusions d’optique en elles-mêmes, la persistance rétinienne joue un rôle important. En effet lorsque nous portons longtemps notre regard vers une image colorée, nos récepteurs « saturent », et si nous regardons ensuite une surface blanche, cette image est perçue dans la couleur complémentaire de celle précédemment observée : c’est l’image résiduelle.

B- La relativité des couleurs : l’induction chromatique

        Une couleur est perçue différemment suivant les couleurs qui l’environnent : c'est l'induction chromatique.

1)    Le contraste chromatique

        Quand le changement dans l’apparence colorée consiste en un éloignement de la couleur de la couleur initiale vers celle qui vient d’être introduite dans l’environnement, ce changement est appelé « contraste chromatique ».

        - L'effet d'articulation 


 

Observer les 2 carrés centraux. Celui de gauche
paraît nettement plus clair. Pourtant, ils sont
exactement de la même couleur.

 

        Le système visuel augmente les contrastes de couleurs entre les grands carrés et les petits. Cet effet est accentué par les petits carrés de part et d’autre des carrés centraux. En effet, plus il y a de couleurs intermédiaires, plus la différence entre la couleur la plus claire et la couleur la plus foncée paraît augmentée : c’est l’effet d’articulation.

 

            - "L'échiquier" de Edward H. Adelson

        La case B parait nettement plus claire que la case A. Pourtant, elles sont exactement de la même couleur. Trois facteurs expliquent cette illusion : 
Le cerveau utilise le milieu environnemental pour distinguer les couleurs. Ainsi, la case A paraît plus foncée car elle est entourée de cases plus claires, et de la même façon la case B paraît plus claire car elle est entourée de couleurs plus foncées.
De plus, le système visuel éclaircit les objets mis dans l'ombre. Ainsi, notre cerveau corrige l'effet d'ombre du cylindre sur la case B, en le restituant d'une teinte de gris plus claire.
Le vécu à également une influence sur cette illusion : en effet, notre cerveau a déjà été confronté à des échiquiers, et connait l'alternance de cases claires et foncées qui les constituent, et restituent les couleurs en fonction de ses souvenirs.

 

            - La spirale infernale

On croit clairement voir des bandes bleu et des bandes vertes.  Pourtant, elles sont de la même couleur. Cet effet est produit par les couleurs environnantes, les bandes oranges et roses.       

 

 

        L’effet Craik-O’Brien-Cornsweet 
        La partie de gauche semble plus foncée que la droite. Pourtant lorsque la zone centrale est masquée par une bande noire, elles paraissent de la même luminosité. En effet, notre système visuel accorde beaucoup plus d’importance changements brusques qu’aux changements progressifs de luminance (quantité de lumière visible qui arrive à nos yeux à partir d’une surface donnée). Cela nous aide à repérer les contours des objets. Il y a une amplification de la différence entre les gris de part et d’autre de la frontière qui sépare les deux rectangles.

 

2)    L'assimilation chromatique

        On parle d’assimilation chromatique lorsque notre système visuel, au lieu de restituer les couleurs telles quelles, fait la moyenne des teintes et des luminosités, en fonction du contexte.

 

Les deux chevaux paraissent  de couleurs différentes.
Pourtant, ils sont strictement identiques.

 

 

 

 

 

      

  Illusion du Valois
        Le rouge semble orangé à gauche, et magenta à droite, à cause du contexte : comme dans la peinture pointilliste, les couleurs des losanges se mélangent dans notre œil. (Jaune+rouge = perception du orange). De même pour la partie inférieure, les carrés verts paraissent plus bleutés à droite car il sont entourés de bleu. Encore une fois notre système visuel fait la moyenne des teintes.

 

 

 

 

 

3)    La diffusion de couleur

 

"Effet aquarelle" 

        Il s'agit d'une illusion découverte par le professeur de psychologie expérimentale à l’université de Sassari (Italie) Baingio Pinna. La ligne la plus contrastée par rapport à la couleur du fond (ici la violette) joue le rôle de vraie frontière, alors que la ligne plus claire (orange) déteint sur tout l’intérieur de la surface. Le phénomène de diffusion de couleur serait apparenté à celui qu’on rencontre dans l’effet néon (voir ci-après), mais la partie illusoirement colorée n’a pas l’aspect transparent et colorée, au contraire, elle paraît opaque. D’après Baingio     Pinna, cela montre que la diffusion de la couleur illusoire et  l’attribution d’une texture se produisent en parallèle dans le cerveau.      

 

4)    Inhibition latérale rétinienne


La grille d’Hermann

        Les intersections des lignes blanches paraissent moins lumineuses, car elles sont entourées de plus de noir que les lignes ; ainsi, elles nous paraissent grises. Si nous fixons attentivement une intersection, l’image se forme sur la fovéa, qui est la zone de la rétine où l'appréciation des couleurs est la plus forte, et le point gris disparaît alors. Contrairement à si l’on balaye l’image du regard, les rayons lumineux arrivent sur les photorécepteurs du tour de la rétine. Ils sont alors confrontés au phénomène d'inhibition latérale rétinienne, qui consiste en une suppression sélective de certains signaux nerveux trop faibles, et donc considérés comme moins important.

 

 

5)    L'effet néon, une illusion non expliquée

 

        Notre système visuel croit détecter une sorte de voile déposé au-dessus des lots de cercles. Pourtant , il s'agit juste d'un quart de chaque ensemble qui est d'une nuance de bleu plus clair. Les scientifiques n'ont pas encore trouvé d'explication à cette illusion, mais ils sont sûrs d'une chose : Il faut que les portions en bleu et la luminosité de ce bleu permettent d’interpréter la figure comme si elle était disposée sur deux niveaux : dessous les cercles, dessus un voile transparent bleuté.